La figure du « mâle alpha » suscite un débat intense dans la société moderne, oscillant entre mythe et réalité. Popularisée par l’observation des animaux, cette notion de leadership dominant est aujourd’hui souvent déformée, alimentant des discussions polarisées sur la masculinité, la domination et les relations entre les sexes. Mais que signifie réellement être « alpha » et cette vision correspond-elle aux modèles observés dans la nature ?
Le documentaire québécois Alphas , réalisé par Simon Coutu, s'intéresse au phénomène du « mâle alpha », une vision de la masculinité qui valorise la domination et qui est souvent associée au rejet des avancées féministes. Ce modèle contraste fortement avec les observations des chercheurs Rudolf Schenkel et Dian Fossey, qui décrivaient les alphas comme des figures protectrices et stratégiques, essentielles à la cohésion du groupe.
Chez les loups, Schenkel a démontré que l’alpha naturel est souvent un parent, qui dirige la meute par l’expérience plutôt que par la force brute. De même, Fossey a observé que les mâles alpha des gorilles assurent la survie collective en protégeant et en unissant les membres de leur groupe. Ces rôles sont ancrés dans l’empathie et la responsabilité, bien loin de la vision humaine souvent caricaturale de l’alpha comme dominateur impitoyable.
Dans la société humaine, le documentaire met en lumière une tension : alors que les modèles animaux valorisent la coopération, certains mouvements de « mâles alpha » promeuvent une masculinité basée sur le contrôle et l’opposition aux idéaux d’égalité. En établissant ces parallèles, Alphas questionne la pertinence de ces concepts dans une société où les relations de genre sont en constante évolution, et où un leadership authentique pourrait tirer de précieuses leçons de la nature pour équilibrer le pouvoir, la protection et le soutien collectif.
Le terme « alpha » a été popularisé par des chercheurs comme Rudolf Schenkel et Dian Fossey, qui ont étudié la dynamique sociale des loups et des gorilles. Leurs travaux, initialement axés sur l’observation des animaux, trouvent un écho puissant dans la société humaine, où le leadership et la domination jouent également un rôle clé. Cependant, en explorant les nuances du comportement animal, nous découvrons des parallèles surprenants avec nos propres structures de pouvoir.
Dans la nature : l'alpha observé par les chercheurs
Rudolf Schenkel, en étudiant les loups en captivité, a introduit le concept de « mâle alpha », perçu comme le chef dominant de la meute. Cependant, ses travaux, souvent mal interprétés, ont simplifié à l'excès la réalité : chez les loups sauvages, l'alpha est généralement un parent, qui guide le groupe par l'expérience, et non par la force. Chez les gorilles, Dian Fossey a révélé une autre facette du leadership : le mâle dos argenté dominant, bien que dominant, consacre son énergie à protéger et à unifier son groupe, où la responsabilité l'emporte sur l'autorité.
Ces observations montrent que le leadership animal est plus complexe qu'une simple hiérarchie imposée par la violence. Les alphas de la nature sont souvent des figures protectrices et stratégiques, inspirant la confiance et assurant la survie du groupe.
Chez l'homme : échos modernes
Dans nos sociétés, l’idée de l’alpha a souvent été associée au charisme et à la domination. Le PDG autoritaire ou le chef militaire imposant reflètent une vision simplifiée des comportements observés par Schenkel. Pourtant, comme dans le règne animal, les formes les plus durables de leadership humain reposent sur des qualités qui transcendent la force brute.
L'alpha moderne, comme les gorilles à dos argenté décrits par Fossey, est un guide protecteur. Dans une entreprise ou une communauté, c'est lui qui porte la responsabilité du groupe, en équilibrant vision stratégique et empathie. Tout comme la matriarche éléphante dirige son troupeau avec expérience, l'"alpha" humain peut se distinguer par sa sagesse et sa capacité à inspirer les autres.
Une responsabilité fragile
Les chercheurs ont également révélé une vérité universelle : le rôle d'alpha est instable. Chez les gorilles, un dos argenté peut perdre sa position au profit d'un rival plus jeune ou plus compétent. De même, un leader humain qui néglige son groupe ou abuse de son pouvoir est sujet à des contestations. Cette précarité oblige à redéfinir ce que signifie réellement être « alpha » : il ne s'agit pas de dominer, mais de gagner sa place par des actions qui servent le bien collectif.
Leçons de la science et de la nature
En revisitant les travaux de Schenkel et Fossey, une leçon se dégage : le leadership authentique est moins une question de force que d’équilibre entre autorité et soutien. Les alphas, tant dans la nature que chez les humains, ne sont pas de simples figures de domination. Ils sont les architectes de la cohésion, les protecteurs et les gardiens de la survie du groupe. En observant ces dynamiques, nous pouvons réinterpréter nos propres modèles de pouvoir, en privilégiant l’inspiration et l’empathie plutôt que l’imposition.
Alpha : pas seulement une affaire d'hommes
Dans la nature, le leadership ne se limite pas à la domination masculine, comme le montre l’exemple des éléphantes. Les matriarches jouent un rôle central dans leur troupeau, guidant leurs pairs par leur expérience et leur mémoire. Elles conduisent le groupe vers des ressources vitales, assurent la cohésion sociale et transmettent le savoir aux générations futures. Leur leadership est fondé sur l’empathie, la protection et la responsabilité, des qualités essentielles à la survie et à l’équilibre du groupe. Ce modèle naturel illustre l’importance d’un leadership basé sur la bienveillance et la sagesse.
Evolution et genre : l'héritage de millénaires de survie
Depuis des millénaires, l’évolution a façonné les différences entre hommes et femmes, motivée par l’objectif ultime de survie et de transmission des gènes. Les hommes, souvent associés à la chasse et à la protection, ont développé des traits favorisant la compétition et la prise de risques, tandis que les femmes, concentrées sur la gestation et l’éducation des enfants, ont évolué avec une empathie, une coopération et des capacités d’éducation accrues. Ces distinctions, façonnées par des besoins préhistoriques, continuent d’influencer les comportements et les perceptions des sociétés modernes, même si les contextes et les priorités ont radicalement changé.
Ces différences, héritées de millénaires d’évolution, reflètent l’adaptation de l’humanité aux défis ancestraux. Cependant, dans un monde en constante évolution, ces traits ne doivent pas limiter les rôles ou les aspirations. Comprendre leur origine peut aider à dépasser les stéréotypes, favorisant une société où chacun peut s’épanouir pleinement, indépendamment des anciens modèles.
Steve Cournoyer
alphamens.ca